Beaufort
Beaufort fut pendant quelques années le bastion isolé
du protestantisme dans le diocèse de Dol. En effet, Claude II de Gouyon,
qui acheta Beaufort en 1675, se trouvait être un «religionnaire », comme
on disait alors, de la Religion Prétendue Réformée.
A ce sujet, signalons que les Gouyon s'étaient convertis au protestantisme
de très bonne heure. Amaury Gouyon, baron de la Moussaye était déjà un des
principaux représentants de l'Assemblée de
Loudun.
Rappelons également qu'un siècle plus tôt Christophe de Chateaubriand,
seigneur de Beaufort et du Plessix-Bertrand, avait embrassé la Réforme, à
l'occasion de son mariage avec la fille du comte Gabriel de Montgomery, et
qu'il combattait dans les rangs protestants quand il fut tué à la bataille
de Jarnac, le 13 mars 1569.
En 1661, Claude Gouyon épousa Anne de l'Espinay «huguenotte et très jeune
dans sa religion», selon Colbert qui nous confirme par la même occasion
qu'il n'y avait dans le Comté de Dol qu'«une
seule maison de religionnaires qui (était) celle de Touraude» (Claude
Gouyon de Touraude, futur seigneur de Beaufort).
A cette époque, Louvois a déjà commencé ses attaques contre la religion réformée. Pourtant, Claude ne sera pas
immédiatement inquiété pour ses convictions religieuses. Ses chapelles de
Beaufort et du manoir de Touraude sont desservies par
son pasteur, Louis
Barateau, originaire de Loudun
qui se réfugia à Loudun, puis passa en Hollande en passant par Nantes sur
le vaisseau "La Justice", de Rotterdam.
Mais en 1685, la révocation de l'Edit de Nantes, et
l'interdiction du culte public des protestants
conduisent à une véritable guerre, cruelle et constante, contre les
«religionnaires». Six des enfants de Claude
Charles de Gouyon, baron de Marcé,
:
Luc (sieur de Touraude),
Anne-Marie, Marguerite (dame de Blossac), Claude-Charlotte, Marie
(dame de Halouze), Claude-Marguerite (dame de
Touraude) sont
contraints d'abjurer devant l'évêque de Saint-Malo le 5 décembre 1685.
Curieusement leur frère aîné, Amaury-Henri, n'abjure pas ; et pourtant six
ans plus tard, en 1691, il se marie «en face de la Sainte Eglise
Catholique Apostolique et Romaine».
Mais la révocation de l'Edit de Nantes représentait aussi l'interdiction
formelle pour les réformés de sortir
du royaume. Toutefois, la majorité d'entre
eux s'organisa pour partir ; et des réseaux
d'émigration clandestine se constituèrent.
Il semble bien que la forêt du Mesnil, située
sur le Tronchet, devint un point de passage d'un de ces réseaux. En effet,
le Procureur du Roi, Maître Bréal, indique à l'occasion de l'arrestation
dans cette forêt — le 20 août 1866 — de neuf fugitifs provenant de Loudun,
qu'«il passait souvent des religionnaires par la forêt du Mesnil » grâce à
l'aide coûteuse de certains habitués : c'est ainsi que François Garnier,
dit « la Lande », bon catholique et aubergiste du Tronchet s'entremit
plusieurs fois pour l'évasion des «huguenots» fugitifs. Arrêté à la fin de
1685, poursuivi par le commissaire Coêtlogon
devant la juridiction de Saint-Malo, il fut acquitté par Arrêté du 20
novembre 1686.
La forêt du Mesnil se trouvait en effet sur l'axe Rennes-Saint-Malo, qui
était la principale tête de pont vers Jersey.
Enfin, au début du XVIIe siècle, le relais fut pris par l'Abbaye du
Tronchet elle-même, où les moines mauristes étaient favorables au
jansénisme. En 1718, leur opposition à la Bulle pontificale Unigenitus,
concrétisée par leur acte d'appel au futur Concile Général, fit grand
bruit et mit l'Abbaye en première ligne dans cette révolte théologique.
L'émigration était relativement facile par
Saint-Malo. Dès 1559, la foule des réfugiés errant dans les forets qui
entourent Rennes s'était écoulée peu à peu, par ce port, dans les îles de
la Manche. En 1685, l'inertie des autorités du port et surtout la
complicité des habitants, qui en tiraient un revenu, la facilitèrent
grandement. Vauborel de Sainte-Marie, gouverneur de Saint-Malo, nouveau
converti, parait avoir déployé peu de zèle pour la recherche de ses
anciens co-religionnaires.
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Maurice Trévinal,
Histoire générale de Plerguer, Beaufort, 1982.
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Paris-Jallobert,
anciens registres paroissiaux de Bretagne.
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Bulletin Société de l'Histoire du
Protestantisme, 1928, p. 242 et ss., La révocation de l'édit de Nantes à
Rennes.