Statistiques de l'ancien clergé à la veille de la révolution :  RETOUR

    Le clergé, premier Ordre de l’Etat, se divisait en séculier et régulier, en haut clergé et en bas clergé. Il était très nombreux et pourvu de richesses immenses. Il y avait en France, avant la Révolution, dix-huit archevêchés et cent douze évêchés, seulement à l’intérieur, deux mille huit cents canonicats d’églises cathédrales ; cinq mille six cents canonicats de collégiales. On comptait environ quarante mille cures ou paroisses. Dans chaque paroisse, il y avait trois ou quatre prêtres au moins, tant curés que vicaires, et autres ecclésiastiques employés, ou attendant des emplois. On a donné de cet ensemble le détail qui suit :

    Le clergé dirigeait les rois ; il avait le pas sur la noblesse même. Du haut de la chaire, du tribunal de la pénitence, et mieux encore par ses intrigues, il menait le monde ou troublait profondément les affaires. Sa fortune s’évaluait par des milliards, sans compter les offrandes, qui s'élevaient à des sommes inimaginables.
    Outre ces richesses, le clergé avait des immunités. des privilèges et des droits qui lui étaient fort avantageux au point de vue mondain.
Pour être pourvu d’un bénéfice, il suffisait d'être tonsuré, à moins que le bénéfice ne fût sacerdotal par sa fondation. A l’égard de l’âge, il se réglait selon la différence des bénéfices. Pour les simples chapelles, il suffisait d’avoir sept ans ; pour les prébendes d’églises collégiales, dix ans ; pour les prébendes d’églises cathédrales, quatorze ans; pour les abbayes et prieurés conventuels, vingt-deux ans; enfin, pour toutes les dignités à charge d’âmes, vingt-cinq ans pour les évêchés, vingt-sept ans commencés.
    Les plus riches fondations ecclésiastiques, fort éloignées de toute humilité et de toute idée chrétienne, étaient constituées comme des ordres de chevalerie, et la fine fleur des cadets de noblesse, ainsi que les jeunes chanoinesses nobles, peuplaient exclusivement ces asiles privilégiés, à la charge de fournir, pour preuve de vocation religieuse, non des vertus, mais des quartiers de noblesse.

    Histoire du Clergé pendant la révolution Française, par Bertrand Robidou, Paris, Calmann Levy, 1889.